2011, A qui profite la norme ?
Intentions
À l’heure où la norme technique exerce, en architecture comme ailleurs, une pression grandissante, débordant largement son strict cadre initial et produisant peu à peu des effets eux aussi grandissants sur les conditions de production de l’architecture, et plus généralement sur les comportements sociaux, politiques, voire artistiques – alors même que l’art est censé se construire en dehors de toute norme –, il nous semble nécessaire de nous interroger sur ce qui est vécu comme une dérive par nombre d’entre nous.
La norme – sociale, sexuelle, politique, technique – est-elle inhérente à la vie en société ? Existe-t-il des sociétés sans normes ? La norme produit-elle systématiquement de la contrainte puis de la transgression ? Y a-t-il des périodes historiques plus favorables que d’autres à la norme ? Est-il possible de repérer le moment où la norme se fait injonction, c’est-à-dire cesse d’être régulatrice pour devenir coercitive ? Comment dépasser la norme, la contourner, la subvertir quand son poids se fait trop lourd : par l’art, par la politique, par les pratiques alternatives ?
Comme pour tous les thèmes précédemment abordés en débats publics par notre association, la question s’adresse, par-delà l’architecture, à toute la société.
Programme
Alban Bensa, anthropologue, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie, ouvre le débat par une mise en perspective généraliste.
Patrick Boucheron, historien, spécialiste de l’Italie médiévale et de l’histoire des villes, apporte un point de vue historique sur l’évolution de la notion dans l’histoire urbaine.
Jean-Louis Subileau, urbaniste, fait part de son expérience des évolutions de la norme en architecture et urbanisme dans les dernières décennies.
Patrick Bouchain, architecte, partage sa réflexion et son apport sur diverses solutions alternatives mises en place çà et là au fil de son parcours.
Intervenants
Alban Bensa
Anthropologue, directeur d’études à l’École des hautes études en sciences sociales, spécialiste de la Nouvelle-Calédonie et du monde canaque, Alban Bensa « mène une réflexion continue sur les fondements épistémologiques d’une anthropologie de l’action, de l’événement et des transformations sociales » (http://iris.ehess.fr). Ses travaux en Nouvelle-Calédonie l’ont mené du recueil de mythologies canaques à l’étude des institutions politiques et sociales et à un engagement en faveur de la cause canaque lors des événements des années 1980. Il a également travaillé avec Renzo Piano au projet de centre culturel Jean-Marie-Tjibaou de Nouméa. Auteur de nombreux articles et ouvrages, il a notamment publié Ethnographie et architecture (Adam Biro, 2000), La fin de l’exotisme, Essais d’anthropologie critique (Anacharsis, 2006) et Après Lévi-Strauss, Pour une anthropologie à taille humaine (Textuel, 2010).
Patrick Bouchain
Architecte de formation, Patrick Bouchain considère « que l’architecture est politique et qu’elle doit répondre au souci de l’intérêt général ». Il réalise essentiellement des bâtiments publics et particulièrement des réhabilitations de friches industrielles en lieux de création (théâtre Zingaro à Aubervilliers, Lieu unique à Nantes, Musée international des Arts modestes à Sète, entre autres). Il a également été enseignant à l’école Camondo à Paris et à l’École des beaux-arts de Bourges, directeur de l’Atelier public d’architecture et d’urbanisme de la ville de Blois ou conseiller auprès du président de l’établissement public du Grand Louvre. Il a publié La condition publique (Éd. Sujet/Objet, 2004), Construire autrement (Actes Sud, 2006). À l’occasion de la parution de cet ouvrage, il déclarait à RFI : « Je pense que dans l’histoire de l’humanité, l’architecture c’est le lien social. On ne construit pas pour soi seul, c’est le début de la civilité, donc l’architecture est obligatoirement humaniste. Et pour moi, libertaire. Je dois ajouter que j’ai arrêté de faire de l’architecture en allant en Afrique. Parce que j’ai découvert pendant mon service militaire qu’il y avait des pays que l’on déclarait incapables de construire et qui avaient une architecture vernaculaire absolument merveilleuse. C’est là que j’ai compris qu’il fallait arrêter de construire. »
Patrick Boucheron
Patrick Boucheron est historien. Il a étudié et enseigné l’histoire du Moyen Âge à l’École normale supérieure de Fontenay/Saint-Cloud et à l’Université de Paris-I Panthéon-Sorbonne où il est actuellement maître de conférences et membre de l’Institut universitaire de France. Son domaine de recherche est l’Italie médiévale – ses villes, ses princes, ses artistes – mais aussi l’écriture de l’histoire aujourd’hui. Il a à ce titre dirigé la publication de l’Histoire du monde au XVe siècle (Fayard, 2009) ou celle des Palais dans la ville. Espaces urbains et lieux de la puissance publique dans la Méditerranée médiévale (avec J. Chiffoleau, Presses universitaires de Lyon, 2004), et publié Léonard et Machiavel (Verdier, 2008), subtil essai d’écriture de l’histoire en dehors des sentiers battus où il s’essaie « à interroger le silence et la qualité des temps après avoir épuisé les archives et les livres », pour reprendre les termes de Pierre Assouline (le Magazine littéraire, octobre 2008).
Jean-Louis Subileau
Urbaniste-aménageur, il a été directeur adjoint de l’Atelier parisien d’urbanisme (Apur) de 1970 à 1982, puis a dirigé de 1982 à 1986 la Mission de coordination des grandes opérations d’architecture et d’urbanisme de l’État (la Villette, l’Institut du monde arabe, le Grand Louvre, le nouveau ministère des Finances à Bercy, le musée d’Orsay, la Tête-Défense, l’Opéra-Bastille), avant de se consacrer plus spécifiquement à l’opération Grande Arche de la Défense. Mais il s’est également occupé de grandes opérations d’aménagement comme Euralille ou à Boulogne-Billancourt l’aménagement des anciens terrains Renault (opération Val de Seine). Dans le résumé de l’ouvrage qu’ils lui ont consacré à l’occasion de la remise du Grand prix d’urbanisme en 2001, Ariella Masboungi et Jean-Denis Espinas rappellent que « ces expériences ont conforté sa conviction que la ville n’appartient à personne, que nul ne la tient dans sa main, ne la pense dans le silence de son atelier et qu’elle est le produit de l’histoire et de la confrontation des acteurs dans laquelle l’habitant ne trouve pas aisément sa place ».
Actes
À qui profite la norme ?
Actes des sixièmes rencontres Pierre Riboulet
Édité par l’Association Pierre Riboulet
2012, 69 p., 10 euros
Commandez-le au prix de 12 euros (frais de port compris) :
Association Pierre Riboulet, 16, place d’Armagnac Hypérion D1301 33800 Bordeaux.
Dossier de presse
Rencontres
2015. Exposition-Conférence Paris-8
L’Université Paris 8 organise, à l’occasion du 20ème anniversaire de la pose de la 1re pierre de la bibliothèque universitaire, une exposition sur les bibliothèques de Pierre Riboulet.
2013. Des intuitions pour aujourd’hui ?
Histoire, usage, espace : Pierre Riboulet dix ans après. 5 décembre 2013, 19 h. École d’architecture de Paris-Belleville.
2012. Peurs d’aujourd’hui, création de demain
Mercredi 28 novembre 2012, 19 h. Ecole d’architecture de Paris-Belleville. La question s’adresse, par-delà l’architecture, à toute la société.
2010, L’espace sens dessus dessous
Urbanisme et architecture se nichent au cœur de ces questions : peut-on aménager, construire sans s’inscrire dans la longue durée, sans proposer un sens, offrir une possibilité tangible de savoir où l’on est ?
2009, Les clefs de la transmission
30 novembre 2009, lycée Le Corbusier, Aubervilliers. Quatrième Rencontre dans l’un des bâtiments que Pierre Riboulet a construits en banlieue.
2008, Métamorphoses de l’engagement
19 novembre 2008, Cité de l’Architecture, Paris. Pourquoi l’effort collectif est-il aujourd’hui mis au service de l’individualisme ?
2007, Vacances de la critique ?
Le deuxième colloque Pierre Riboulet se propose de confronter l’architecture et la société dans laquelle elle œuvre autour de ce nouveau sujet.
2006, Le temps, la ville et l’architecte
On distingue volontiers les arts du temps (littérature, théâtre…) des arts du visible (peinture, sculpture…), mais les uns comme les autres affrontent la redoutable question de l’inscription temporelle : la durée.